Lausanne, épicentre du rock[
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Pari réussi pour les Stones, auteurs du concert monstre et parfait, hier soir au stade de la Pontaise. Et pour Migros, qui s'offre Jagger en pub vivante.Une soirée énorme, qui a fait vibrer le public, plus de 40 000 personnes, au coeur du rock'n'blues le plus pur, le plus fou. Sans compter la garden-party... Ivan Radja - 11/08/2007
Le Matin Dimanche
Hier soir à Lausanne, les Rolling Stones ont déplacé l'épicentre de la planète blues rock au stade de la Pontaise. Facile: l'épicentre, c'est eux, définitivement.
A 21 heures tapantes, l'écran géant fouille les confins originels de l'univers, et de l'infini surgit une navette spatiale lancée comme un météore, qui traverse le temps jusqu'à nos jours au rythme de détonations sourdes. Keith Richards, craché soudain du néant, se cabre sur le premier accord de «Start Me Up». La charge sauvage est lancée, et plus rien ne l'arrêtera. Jagger se déhanche comme un possédé, chemise turquoise sur en ensemble noir.
Exécution nette d'un de leurs hymnes favoris. La nuit ne descend pas, elle monte sur les 40 000 spectateurs, prêts pour la transe. Charlie Watts frappe fort, mais frappe précis. Colonne vertébrale de ce groupe de gamins sexagénaires qui déroule l'histoire du rock au milieu d'une scène géante dont les ailes évoquent une cage thoracique écartelée. «Bonjour Lausanne! Hello Lausanne!», lance Mick à une foule en pré-délire.
Mick Jagger sait flatter la foule, il la séduit, la charme et elle aime ça
Il parle beaucoup, Sir Michael Philip Jagger. «Content d'être de retour en Suisse, et si vite! (la dernière fois remonte au 5 août 2006, à Dübendorf, n.d.l.r.)» Il remercie les gars de Genève, les filles de Zurich, les gars et les filles de Berne, soulevant les ovations. «You Got Me Rocking», «Rough Justice» défilent dans un tourbillon et une sono parfaite, si l'on sait qu'aucun sound-check n'a été effectué.
La mécanique est huilée. Comme le relève Vincent Sager, directeur de la société de production Opus One, «Ils ont contribué à l'histoire du rock, mais ils ont en plus créé le rock'n'roll circus; ils sont plus malins que les autres.» Et ne perdent pas de vue leurs intérêts, ni leurs obligations.
Avant d'entamer «Bitch», Jagger se fend d'un «J'espère que vous avez tous vos sous-vêtements M-Budget..» en laissant tomber la chemise. Plus tard, présentant la frissonnante choriste Lisa Fisher: «Combien de points cumulus pour cette beauté? C'est ça, le talent: conjuguer la lascivité vaudoue et le spot publicitaire sans (trop) tomber dans le ridicule. L'homme d'affaires sait flatter la foule, il la séduit, la charme et elle aime ça. Elle a raison.
A l'harmonica, l'homme est aussi redoutable qu'au chant: c'est «Love is Strong», suivi de «You Can't Always Get What You Want». «Do you want to sing?» on veut! on scande. Le monstreuse jam session est à son comble. C'est peut-être leur plus grande force: cette élasticité scénique.
Cette faculté de passer du gigantisme à la veillée de feu de camp, où l'on chaloupe des refrains vieux de trente, quarante ans, entre potes. «Midnight Rambler», «Tumbling Dice» fait monter la température au point d'ébullition. Ron Wood est au sommet de sa forme, ses solos sont impeccables, et parfaite l'entente avec son lead. Keith Richards assure la cohésion. Reprend le flambeau; «You doin'all right? Me too!», avant d'enchaîner avec «Hold You Close To Me» d'une voix revigorée (tout est relatif), qui sent son eau claire... Sur la petite scène plantée au coeur de la foule, le vortex tourne à plein régime: «It's Only Rock'n'roll», «Satisfaction», «Honky Tonk Women».
De retour sur la grande scène, la langue rouge se déploie, monstrueuse, et les plaintes de «Sympathy for the Devil» et la rage de «Paint it Black» emplissent la nuit lausannoise. En final, Jumping Jack Flasg assied une fois pour toutes la suprématie des Stones.
Le concert parfait? Oui. Et un pari gagné pour la Migros, qui réussi là le plus gros coup marketing qu'on puisse imaginer.
Avant la fin du concert, les portes ont été ouvertes et les spectateurs dépourvus de billets ont profité d'aller dans le stade pour écouter les dernières chansons à l'intérieur du stade.